LE LONG DE LA VIA DOMITIA...

L'amphore... un emballage perdu.

Les amphores ne sont que de simples emballages destinés au transport et au commerce fluviomaritime de vin, d'huile, de conserves ou de sauces... Elles jouent un grand rôle dans l'économie antique. Fuselées, sphériques ou piriformes (en forme de poire), elles sont toujours dotées de deux anses verticales, d'où leur nom (amphi-phorus ; "qui se porte par deux anses"). Leur capacité varie beaucoup, de quelques litres à plus de cinquante, même si le mot amphore désigne aussi une unité de mesure (un volume d'environ 26 litres).

Les amphores sont scellées par des bouchons de liège ou par des céramiques recouvertes d'un matériau isolant (chaux, poix,...). Le chargement complet d'un bateau peut varier de 1500 à 6000 amphores, selon son tonnage.

Une fois vidées de leur contenu, les amphores sont considérées comme un emballage perdu. Le plus souvent, elles sont jetées par-dessus bord ou brisées. Mais les archéologues se sont aperçus qu'elles étaient aussi réemployées pour d'autres usages : remblais, canalisations et même cercueil d'enfants...

Durant les deux premiers siècles de notre ère, on trouve aussi des amphorisques (amphores miniatures) mais dont la fonction n'est pas clairement établie (certains chercheurs y ont par exemple vu des bouchons d'amphore). L'une d'elle, découverte dans le Rhône, porte notamment une inscription peinte qui mentionne de l'asyntrophon, une plante médicinale très utilisée dans l'antiquité. 

Col d'amphore avec bouchon en liège
Type Gauloise 4 produite en Gaule entre la fin du 1er et le milieu du IVème  siècle de notre ère. Arles, fouilles du dépotoir Arles-Rhône 3, 2007. Musée Départemental de l'Arles Antique.

Col d'amphore avec bouchon en cuir (extrêmement rare)
Type Gauloise 4 produite en Gaule entre la fin du 1er et le milieu du IVème siècle de notre ère. Arles, fouilles du dépotoir Arles-Rhône 3, 2011. Musée Départemental de l'Arles Antique.

Gauloise 4 et son couvercle
Les lettres T.CR.V correspondent aux initiales d'un citoyen romain, vraisemblablement le propriétaire de l'atelier qui a produit l'amphore.
produite en Languedoc à la fin du 1er - milieu du IVème siècle de notre ère.

 

Photos : Fouilles du Rhône en 2007 - Musée Départemental de l'Arles Antique (Arles - Bouches-du-Rhône)

La Groma... ou comment tracer une centurie.

Comme en français, certains mots latins avaient plusieurs significations. Ainsi, une centurie "centuria" signifie, à la fois, une subdivision militaire ou politique et une parcelle de terrain. En longeant la Via Domitia, et particulièrement en Languedoc-Roussillon, entre Ruscino (Perpignan) et Nemausus (Nîmes), nous pouvons apercevoir, de part et d'autre de la voie, des terrains et des vignes dont les limites n'ont pratiquement subi aucune modification depuis presque 2000 ans. Elles sont directement issues du cadastre réalisé par les arpenteurs romains lors de l'attribution, par César, de terres aux vétérans de ses légions, en récompense de leurs combats sous ses ordres.
Ainsi, la Xème légion s'installe à Narbonne (Colonia Narbo Martius) et la VIIème à Béziers (Colonia Urb Iulia Septimanorum Baeterrensis).

Les romains ont su mettre à profit et améliorer les connaissances techniques de la Grèce. Ainsi est né le géomètre-géodésien. Pour mener à bien sa tâche, il s'équipe de la Groma : un instrument formé par une croix carrée horizontale, à quatre branches de longueurs égales, reposant sur un pieu décentré que l'on fichait à même le sol. Au départ des extrémités de chaque branche descendait un fil à plomb. Grâce à cet instrument, on pouvait réaliser un traçage linéaire ou quadrangulaire, d'une extrême précision.

Ainsi, à partir d'un point fixe, le Locus Gromae, en suivant un système d'axes orthogonaux :
Cardo Maximus (Nord-Sud) et Decumanus Maximus (Est-Ouest), en y ajoutant une unité de longueur (un nombre entier de pieds : Pes) puis, en matérialisant ce quadrillage, carré ou rectangulaire, sur le terrain par des bornes ou des jalons et enfin, en reportant cet espace sur une carte ou Forma, on obtient le cadastre.

Photos : La Groma - Antiquarium de Boscoreale (Banlieue de Naples- Italie)

Orange... Le cadastre gallo-romain (Suite et fin)...

Nous allons détailler la portion du cadastre représentée, en rouge, sur la photo ci-contre.

 

L'assignation de chaque parcelle, ou centuria, était, très précisément, gravée sur le marbre. Sur celle de gauche, et sur sa première ligne, nous pouvons lire :
"DDXXXI^.CKXI" que nous traduisons par Dextra Decumanus 31 ^. Citra Kardinem 11. Ce qui signifie : 31ème parcelle à droite du decumanus maximus et 11ème en deça du Kardo maximus. La parcelle directement à droite est incrémentée au niveau du decumanus (32), par contre elle conserve la même valeur de kardo (11). Ainsi, sur le cadastre, ces deux centuries se situent en bas et à droite, par rapport au locus gromae, point de départ de la numérotation.

Les lignes suivantes apportent des précisions sur la situation juridique de la parcelle. Ainsi, les lettres "EX TR" nous précisent que la terre a été assignée aux colons. Les lettres "TRIC RED", quant à elles, signifient que la terre a été rendue aux peuples vaincus : les Triscatini, qui vivaient le long du Rhône. Ils s'agissait, bien souvent, des terres les plus pauvres.

Orange... Le cadastre gallo-romain (Suite)...

Le cadastre B (ci-contre), le plus grand des trois retrouvés à Orange, couvre une superficie de plus de 500 km².

C'est par une belle journée ensoleillée que l'agrimensor ou encore "gromaticus" choisissait un terrain plat, facilitant l’arpentage, et y positionnait sa groma rigoureusement verticale. Lorsque l'ombre portée était la plus petite, il était midi en heure solaire ce qui lui donnait la direction du nord. Ainsi, il pouvait tracer l'axe principal Nord-Sud appelé "kardo maximus" et positionnait son axe orthogonal, le "decumanus maximus", axe principal Est-Ouest. Les deux lignes se croisaient en un point appelé "locus gromae".

Le comptage se faisait en "pes" (Pieds romains d'environ 29,5 cm). Il suffisait ensuite de suivre l'axe en comptant 120 pieds romains, ce qui nous donnait "l'actus". Enfin, 20 actus nous donnait le côté de la "centurie", soit environ 708 mètres. Cette surface parcellaire était reportée sur le cadastre. De part et d'autre du decumanus maximus, les lettres DD (dextra decumanus) à droite et SD (sinistra decumanus) à gauche étaient suivies d'une numérotation croissante. Il en était de même pour le kardo maximus  : les lettres VK (ultra kardinem) au delà et CK (citra kardinem) en deçà permettaient d'assigner une valeur à chaque centurie. Ainsi, chacune d'elles possédait ses propres coordonnées, horizontales et verticales.

 

Orange... Le cadastre gallo-romain.

 

 

 

IMPerator CAESARVESPASIANUS AUGustus PONTIFex MAXimus TRIBunicia POTESTATE VIII IMPerator XVIII Pater Patriae COnSul VIII CENSOR /

AD RESTituenda PUBLICA QUAE DIVUS AUGUSTUS MILITibus LEGionis II GALLICAE DEDERAT POSSESSA A PRIVATIS PER ALIQUOD ANNOS /

FORMAM PROPONI IUSSIT ADNOTATO IN SINGULIS CENTURIIS ANNUO VECTIGALI AGENTECURAM L. VALERIO UMMIDIO BASSO PROCOS PROVINCiae NARBonnensis.

L'Empereur César Vespasien Auguste, grand Pontife, 8 fois Tribun, 18 fois Imperator, Père de la Patrie, 8 fois Consul, Censeur /

pour restituer les terres publiques possédées depuis quelques années par des personnes privées et que le divin Auguste avait donné aux vétérans de la Deuxième légion Gallique /

a ordonné d'afficher un plan où soit noté dans chaque centurie le vectigal annuel, sous la responsabilité de L. Valerius Ummidius Bassus, Proconsul de la province de Narbonnaise.

Photos : Inscription de Vespasien - Musée d'Art et d'Histoire (Orange - Vaucluse)

 

La Graufesenque... les bordereaux d'enfournement.

Au premier siècle de notre ère, les potiers de la Graufesenque à Millau (CONDATOMAGVS) utilisaient des fonds d'assiettes pour inscrire leurs différentes productions au moment de la cuisson de celles-ci.
Ainsi étaient alignés, sur trois colonnes, le nom du potier, le type de l'objet ainsi que la quantité enfournée.

Sur cet exemplaire, en écriture cursive d'inspiration grecque, nous pouvons y lire :

autagis cintux XXI
tuθos decametos luxtos

uerecunda canastri
S = D
eti pedalis CX
eti canastri ==D
Albanos panias (I)XXV
Albinos uinari D
Summacos catili (I)(I)CDLX
Felix scota catili V CC
Tritos priuatos paraxi V DL
Deprosagi paraxidi (I)(I)DC
Masuetos acitabili IX D

Les deux premières lignes, en gaulois, signifieraient : premier bordereau de 21, dixième four chargé.
Les lignes suivantes, en latin, donnent des précisions sur les noms des potiers, à consonance gauloise : Albanos, Albinos, Deprosagi, Felix, Masuetos, Priuatos, Scota, Summacos, Tritos, Uercundos...
Ainsi que le type d'objet enfourné : acitabili (vinaigrier, saucière), canistri (corbeille), catili (assiette, plat), panna (coupe), paraxidi (jatte), et leur nombre.
Quant aux dimensions, elles étaient précisées par les signes S= ou ==.

Les quantités inscrites nous donnent une fournée de près de 28000 ustensiles divers.

 

Photos : Bordereau d'enfournement, en céramique sigillée, de la Graufesenque - Musée Fenaille (Rodez - Aveyron)

OPVS TESSELLATVM - Techniques de construction romaine...

Le sol des cours était recouvert de terre battue ou de mortier : l'opus signinum (déchets de taille, chaux et sable).
Les salles plus nobles pouvaient être dallées et recevoir une marqueterie de marbre  : l'opus sectile.
Le mot "mosaïque" dérive d'un ouvrage inspiré des muses : l'opus musivum, encore appelé opus tessellatum. Cet ouvrage en tesselles, petits dés d'un centimètre de côté, s'est répandu en Narbonnaise à partir d'un répertoire iconographique élaboré en Italie. Des caractéristiques régionales apparurent ensuite.

Les principaux pavements de VASIO sont attribués aux ateliers de la vallée du Rhône (École rhodanienne). Sur le site, la plupart d'entre eux ont un décor géométrique constitué de carrés curvilignes, de losanges, de tresses..., réalisés à partir de tesselles blanches, noires et oranges.

Le travail minutieux de l'archéologue lors du dégagement d'un sol réalisé en opus tessellatum.

Vue d'ensemble et détail de la mosaïque de l'Aiôn, datant de la fin du IIème siècle de notre ère. Elle fut découverte en 1983, sur le site de la Verrerie situé dans le quartier de Trinquetaille, à Arles.

 

 

 

Photos : Site archéologique de la Villasse (Vaison-La-Romaine - Vaucluse) ;
Site archéologique de la Verrerie - Quartier de Trinquetaille et Musée Départemental Arles Antique (Arles - Bouches-du-Rhône) ;
Site archéologique de Saint-Romain-En-Gal - Vienne (Saint-Romain-En-Gal - Isère)
Villa gallo-romaine (Loupian - Hérault)

BAETERRAE (AQVAE DVCTVS) - La traversée du Badaoussou...

En amont du village de Magalas, dans la vallée du Badaoussou, l'aqueduc franchissait le ruisseau sur un ouvrage aujourd'hui disparu. Peut-être s'agissait-il d'un pont d'arches comme nous l'atteste la présence de nombreux moellons réguliers, en calcaire coquillier, sur un mur à proximité.

À cet endroit, l'aqueduc était certainement à ciel ouvert. Le specus, en béton (mélange de chaux grasse et de pierres cassées), reposait sur un hérisson de galets de rivière. L'état de certains blocs, encore intacts, dénote un béton de très bonne qualité.

Ici, nous distinguons bien la différence entre la couche de chaux et le revêtement étanche de couleur rougeâtre.

 

Sur cette partie du canal, entièrement retournée, nous apercevons nettement les galets de rivière du hérisson de fondation.


Une petite parenthèse (pour rejoindre l'esprit de Jean-Louis ANDRIEU) :
"En effet, l'aqueduc de Béziers est plus récent et plus modeste que celui de Nîmes et il est vrai qu'il n'en présente pas, non plus, les mêmes signes de magnificence. Les techniques employées sur l'aqueduc de Béziers, révolutionnaires à l'époque, n'ont certainement pas nécessité autant de main-d'oeuvre et de savoir-faire que pour le Pont du Gard ou les autres réalisations aériennes, entre les sources d'Eure et Nîmes, aujourd'hui disparues. Mais, l'aqueduc romain de Béziers reste un ouvrage majeur dans l'histoire de la ville et l'état dans lequel nous le découvrons aujourd'hui ne peut qu'emplir notre coeur d'un profond désarroi. N'oublions pas que nos villes contemporaines au passé antique, dont la beauté nous réjouit toujours, sont issues pour une grande part de matériaux réemployés et du dur labeur de tous ces hommes qui ont su ériger, avec peu de moyens, de superbes cités dont les vestiges à présent sont, sinon oubliés, largement ignorés. "
Extrait de "Le long de la Via Domitia" de Guy CARLIGNY.

OPVS MIXTVM - Techniques de construction romaine...

L'opus mixtum est une combinaison de plusieurs appareils présents dans un même ouvrage architectural. Il est généralement composé de moellons en opus vittatum ou opus reticulatum intégrés entre deux lits de briques en opus testaceum.

En incluant ces lits de briques, la cohésion de l'ensemble s'en trouve améliorée. Cet appareil, apparu à la fin de la République, est généralisé sous l'Empire. 

      

 

 

 

  

  

 

 

 

Photos : Enceinte romaine de la Cité (Carcassonne - Aude) - Aqueduc romain du Gier (Chaponost - Sainte-Foy-Lès-Lyon - Rhône) -  Thermes de Constantin (Arles - Bouches-du-Rhône)

OPVS TESTACEVM - Techniques de construction romaine...

L'opus testaceum, de testaceus "en terre cuite" est entièrement composé de briques cuites. Un autre appareil composé également de briques, mais crues cette fois, est l'opus latericium.      

 

 

 

 

 

 

Photos : Temple de Romulus - Notez l'état exceptionnel du portail en bronze, d'origine (Rome - Italie) ; Cirque Maximus (Rome - Italie) ; Curie sur le Forum Romanum (Rome - Italie) ; Mur Aurélien (Rome - Italie) ; Cirque de Maxence (Rome - Italie) ; Porte San Paolo (Rome - Italie) ; Marchés de Trajan (Rome - Italie) ; Jardins d'une Domus (Ostie - Italie)